Vive l’IA
Un mail pour remplir un questionnaire pour “permettre à l’ensemble des étudiantes et étudiants de l’enseignement supérieur d’exprimer leurs avis et leurs attentes sur ce sujet, et ce quel que soit leur niveau de maitrise de l'IA”. Il est créé par le président du “Learning Planet Institute” (François Taddei), et le directeur de l'“institut DataIA” (Frédéric Pascal). Ils sont missionnés par le ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Le courriel arrive sur la boîte de mon université.
Je me dis “chouette, au moins on peut transmettre notre avis !”, mal m'en pris. On m'informe d'abord de tous les détails déjà présents dans le mail, ainsi que les données seront anonymisées. Étonnamment, aucune définition des mots qui seront utilisés plus tard, aucun propos sur le contexte actuel connu de l'IA. Petite cerise sur le gâteau : après m'avoir remercié de participer à ce questionnaire, on m'engage à “transmettre largement ce questionnaire”.
Viennent ensuite les questions : d'abord mon genre. Soit. Trois options : “Femme”, “Homme” ou “Autre”, on a fait pire. Puis mon statut, compréhensible, j'indique que je suis étudiant puis entre le nom de ma discipline et de mon université.
Les vrais problèmes commencent
Page suivante, je lis les questions : ça va être long. Je commence à avoir l'idée d'en parler sur le fediverse tellement c'est clownesque.
“Indiquez ci-dessous les phrases qui correspondent à l’image que vous vous faites de l’IA ?”, suivi, soit d'affirmation simpliste critique d'IA (homme de paille), soit d'affirmation en soutien à l'IA. Le choix de proposer des phrases toute faite me semble être une grossière erreur. Heureusement qu'on nous laisse un champ autre, pour répondre à la première question.
Tiens, c'est drôle parce que la question parle d'IA, sans préciser si on se limite à la notion d'IA générative. C'est évident pour moi que sans contexte, “IA” en big 2025 signifie “IA générative”, ou qu'en tout cas mes camarades étudiant·e·s vont en majorité le lire comme tel. C'est dommage parce qu'entretenir la confusion entre IA et IA générative salit un gros pan des utilisateurs et développeur d'IA (non générative). Mais soit.
Je choisis ensuite le niveau de connaissance que je crois avoir sur l'IA, puis ma fréquence d'utilisation “consciente et volontaire” de l'IA.
Question suivante, première mention d'IA générative. Les questions précédentes étaient donc sur l'IA “en général” ? On ne saura jamais, et la plupart des répondant·e·s n'auront pas remarqué, de toute façon.
Les prochaines questions se focalisent sur la formation des étudiant·e·s à ces IA (parfois avec la précision “générative”), et à l'existence de formation où l'on associe le champ de formation à l'IA (IA et loi par exemple).
Page suivante, mêmes types de question, en me posant la question de la position de mon établissement en matière d'IA (ce qui, pour moi, n'a pas d'intérêt dans ce sondage, puisque le ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche peut directement contacter les établissements).
S'ensuit la première question ouverte, je peux m'épancher sur un champ de texte vide enfin. Dommage que la question soit à chier : “quelles compétences sont nécessaires pour utiliser l'IA ?” Je ne sais pas si je l'ai assez répété, mais l'entretien de ce flou entre IA et IA générative commence à me mettre colère.
Est-ce que l'IA pourrait améliorer les services rendus à l'usager ? Beaucoup ? Un peu ? Ou pas du tout ? Pour être honnête, je peux aussi répondre “je ne sais pas” ou le très clair “sans réponse”.
Le sale
Quand on pense qu'on a touché le fond, une nouvelle dimension s'ouvre : je dois lister les types d'outils d'IA que j'utilise pour mes études ? Je ne peux parler que d'outils utilisant l'IA générative, type “Assistance à la rédaction”, “Rédaction de code”, ou même l'abominable “Recherche de sources diversifiées”. Si le but est de faire un état des lieux sur les usages, soit, mais la question est obligatoire et il n'y a pas la possibilité de répondre que je n'en utilise pas. Dommage pour un état des lieux parce que les chiffres vont être bien gonflées (j'interprète clairement l'intention derrière, je sais qu'il ne faut pas le faire, mais je reste humain).
En vrai, je peux répondre “autre”, et écrire moi-même que je n'en utilise pas.
Le pire, c'est que la question est ensuite posée à nouveau, mais cette fois-ci avec les outils auxquels j'aurai envie d'avoir accès. Toujours pareil, le seul moyen de dire que je ne veux pas d'outils, c'est de remplir moi-même la case “autre”.
Conclusion
Des sondages pour rassurer des décisionnaires que leur décision (déjà prise, évidemment) sont juste et qu’on veut tou·s·tes utiliser l’IA… Yay 🥳