À la recherche d'un espoir

Anaë tira, là où tout le monde le lui avait dit : elle faisait ce qu'elle pouvait. Serrant son instrument sur ses côtes, le temps à l'arrêt, elle se prit à penser aux autres. Célot était partie le mois dernier, tenir la ligne au nord. Celle qui désirait tant terminer son projet devra attendre encore quelques mois. Ou quelques années. Peut-être même l'éternité, mais l'elfe ne voulait pas y penser. À l'époque, sa meilleure pote lui aurait dit qu'elle aurait bien le temps.

Mais le temps manquait depuis le début de la guerre. En fait, le temps manquait déjà avant, mais la raison n'était plus la même. La peur détruit tout, c'était l'une des nombreuses leçons apprises depuis ces trois ans. Ça avait changé ses proches. Comment oublier leurs regards, leur haine face à une différence ? Elle le savait pourtant, elle était née dedans. Anaë avait juste eu la chance de rencontrer des orcs sympas, dans un endroit sympa, dans un contexte sympa.

Elle leur en voulait quand même, sans n'avoir rien à leur reprocher. À l'époque aux orcs, maintenant à ses anciennes amies. À qui la faute ? À la vie intelligente ? On lui avait dit une fois que la xénophobie était quelque chose de “naturelle”. Aujourd'hui, elle comprenait que les gens qui invoquaient la Nature n'en n'avait généralement rien à foutre. La haine était pratique pour maintenir l'Ordre, un ordre qui n'avait rien de naturel. La faute ne revenait donc à personne... Aucun responsables, ça voulait dire personne à condamner : pour beaucoup, ça revenait à dire qu'il n'y avait rien à faire, comme s'il fallait désigner un coupable pour agir.

La guerre l'avait changée, elle aussi. À l'époque, tuer c'était détruire. À présent, massacrer était une solution pour construire un meilleur avenir. Et l'elfe n'était pas sûre que ses idées soient les bonnes. N'imposerait-elle pas à ses victimes ses propres idéaux ? Cela n'avait rien de juste, surtout qu'elle-même avait expérimenté les résultats d'un meurtre : elle ne pourrait jamais tourner la page. Hélas, la vie est injuste, et l'inaction tue, elle aussi.

Plus que la fin de la guerre, l'objectif de la résistance était l'avènement d'une société heureuse. Comme dans n'importe quel groupe terroriste. La hiérarchie était en place, les opérations bien menées, et tout le monde le savait : la victoire était proche. Le sourire était sur toutes les lèvres, dont les siennes. Sauf quand elle doutait, revenait au réel, aux larmes et aux morts. C'était souvent en cachette, car il fallait rester forte. De toute façon, c'était la seule raison de vivre. Si elle n'y croyait plus, qui le ferait ?

L'Académie l'avait placée pour la première fois sur le terrain. Finit les préparations aux baies d'Alentir et aux cendres, cette fois, c'était sérieux. Elle ne l'avait pas voulu, et en même temps, c'était peut-être la meilleure manière de déculpabiliser. Histoire de faire sa part, pour de vrai.

L'horreur arrivait vite. Le craquement d'une brindille signala l'approche de la patrouille suivante. La main tremblante, Anaë se mit à prendre une grande inspiration. Avait-elle fait le bon choix ?